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‘L’accessibilité en contrepoint : Réflexion sur une étude de cas d’utilisation’ par Rachel Marks

Rachel Marks, consultante en performance et accessibilité, partage les connaissances acquises grâce à la mise en œuvre du cadre d’impact qualitatif L’accessibilité en contrepoint d’Aaron Richmond.

Il y a environ un an, Mobilisation culturelle m’a sollicitée pour travailler avec le chercheur Aaron Richmond sur son nouveau cadre Accès en contrepoint. J’étais emballée par le cadre, car Aaron avait énoncé plusieurs concepts que j’avais observés dans le cadre de mon travail avec des organismes artistiques qui accueillent des auditoires de personnes handicapées et, ultimement, mobilisent des artistes en situation de handicap dans le processus créatif. Les combinaisons qui m’intéressaient le plus étaient (dans cet ordre) : intégration/intimité, fonctionnalité/esthétique, et création/réception.

L'accessibilité en contrepoint,
Image : Harmeet Rehal

Aaron et moi nous sommes rencontrés pour discuter du cadre et de la pratique artistique des personnes handicapées en général, et avons commencé à envisager les manières dont le cadre pourrait être appliqué. Au cours de ces conversations, il est devenu apparent pour moi que le travail d’accessibilité consiste à trouver les frontières et à explorer les façons de les repousser ou de les franchir, en s’efforçant de les transcender pour constamment élargir notre vision de la pratique artistique, de son expression et de sa présentation. Nous avons convenu que le cadre aiderait les organismes à accomplir cela, mais comment? Les gens comprendraient-ils que les contrepoints définis par Aaron pouvaient être utilisés de différentes manières ou servir d’assises pour bousculer leurs propres frontières?

Durant ma collaboration avec Aaron, je travaillais aussi avec plusieurs organisations qui souhaitaient présenter des performances décontractées de leurs œuvres. Nous avons décidé d’appliquer le cadre et l’idée de trouver les frontières à ces organisations en en faisant un type d’outil dramaturgique qu’elles (et d’autres) peuvent utiliser pour mesurer leur propre cheminement en matière d’accessibilité. Pour y arriver, nous avons tenu trois conversations : 

  1. Conversation no 1 – Cartographie de l’écosystème d’accessibilité de l’organisation (incluant la manière dont j’ai été amenée à travailler avec elle) et analyse générale de ce que chaque organisation faisait déjà pour favoriser l’accessibilité.  

  2. Conversation no 2 – Points névralgiques : Quels sont les tensions et les points de contact pertinents dans le travail d’accessibilité de l’organisation? Qu’est-ce qui propulse ce travail et qu’est-ce qui le freine? 

  3. Conversation no 3 – Définition des frontières : Quel événement, quelle conversation, quelle pratique ou quelle chose permettrait d’améliorer encore davantage l’accessibilité au sein de l’organisation?

C’est au cours de ces trois conversations que notre travail a commencé à s’essouffler, ou plutôt, que nous avons buté contre les frontières. Ce que j’ai découvert, c’est que dans ce métier, les gens ont tellement à cœur de faire ce qu’il faut que l’anxiété crée la limite qui les empêche même d’entreprendre le travail d’accessibilité. Aaron et moi avons donc décidé qu’en ma position unique de personne externe, je pouvais peut-être répondre aux questions posées dans nos conversations. À quoi cela ressemblerait-il? Quelles sont les questions qui pourraient émerger de ces conversations secondaires? Voici ce que nous avons découvert :

  1. Dans mes fonctions de conseillère en performance décontractée et en accessibilité, j’ai observé que généralement, c’est d’abord une personne de l’organisation qui me contacte au sujet de l’accessibilité. Ces personnes se consacrent à l’équité et à l’inclusion et souhaitent qu’un public plus vaste puisse voir leur travail. Elles sont passionnées par l’accessibilité pour les personnes handicapées, mais elles ont peut-être besoin d’un coup de main pour la concrétiser au sein de leur organisation. Cela fait parfois plusieurs mois déjà qu’elles discutent avec leurs collègues (ou avec les équipes administratives et créatives) de l’accessibilité et de la raison pour laquelle leur organisation devrait entreprendre un cheminement. Pour moi, il s’agit là des personnes qui pourraient voir les bénéfices de l’intégration dans un spectacle en direct (en offrant une expérience partagée et intime à tous et à toutes). Intégration/intimité

  2. Il y a une réponse simple pour la conversation no 2; deux réponses simples en fait : les bailleurs de fonds et le public actuel. Pouvons-nous obtenir le financement nécessaire pour incorporer l’accès dans nos présentations? Quelles sont les répercussions financières? Qui est touché? (AIES, équipe de conception, accueil, artistes, etc. – toutes ces personnes seront concernées, qu’il s’agisse d’une séance photo pour concevoir le guide des lieux, d’une formation pour l’accueil ou l’équipe de création, d’une heure d’arrivée devancée pour une causerie d’avant-spectacle ou une présentation pour le public – toutes ces initiatives nécessitent du financement pour payer les personnes participantes.) Les organismes de financement savent-ils ce que coûte réellement l’accessibilité? Je souligne ici que je n’ai jamais rencontré de conceptrice ou concepteur, d’actrice ou d’acteur, de musicienne ou de musicien, ou de membre de l’AIES qui ne souhaitait pas offrir une expérience accessible à tous les membres du public. Il faut seulement le temps, les capacités et les fonds pour payer tout cela. Nous ne pouvons pas demander à ces personnes de travailler gratuitement. Deuxièmement, le public actuel. Il s’agit d’une variable. Quand il est question d’art contemporain, communautaire ou expérimental, ou de théâtre pour jeune public, le public est généralement prêt à faire un cheminement avec la compagnie. Or, lorsqu’il s’agit de formes d’art dites « traditionnelles », où le public s’attend à un certain type de présentation et a été habitué à se comporter d’une manière précise, c’est là qu’on sent une réticence de la part de la compagnie. Celle-ci pourrait vouloir élargir son auditoire pour inclure des personnes handicapées, mais s’inquiéter de la réaction de son public actuel. Et ce n’est pas sans raison. J’ai déjà été témoin de réactions négatives à l’égard des performances décontractées (heureusement, ce phénomène a diminué au fil des années à mesure que la société est devenue plus ouverte). En retour, j’ai vu le personnel de la compagnie faire preuve de bienveillance et d’acceptation devant cette négativité tout en continuant de défendre l’accessibilité. (Une fois qu’on a pris la décision de favoriser l’accès, la compagnie tout entière s’engage, qu’il y ait du financement ou non; c’est vraiment beau à voir.) Il peut être ardu d’éduquer le public actuel sur l’accessibilité, et nous perdrons probablement quelques membres. Qu’est-ce que cela implique pour les sources de financement déjà en déclin? Les performances décontractées (qui sont des événements autonomes pour de nombreuses compagnies) permettent de prendre le pouls du public. Le public actuel attend-il cela? Avez-vous touché un nouveau public (car c’est toujours l’objectif)? Vous êtes-vous mis à dos le public actuel (ce qui n’est jamais l’objectif, car il faut changer sa mentalité, et non son pouvoir d’achat)? Voici là des préoccupations importantes pour les compagnies qui entreprennent un cheminement : qu’on le veuille ou non, les bailleurs de fonds et le public actuel jouent un rôle majeur dans l’accessibilité. Création/réception

  3. On en revient à la question de trouver les frontières : c’est enregistré dans une note sur mon ordinateur et c’est une boussole dans mon travail. Mais qu’en est-il des compagnies? Qu’est-ce qui fait qu’on passe d’un spectacle, d’un concert ou d’une représentation typique à une performance décontractée, à une œuvre interprétée par une personne sourde, à la description audio, à une œuvre d’artistes ayant un handicap ou à des présentations intégrant tous les éléments susmentionnés (voir le travail d’Erin Ball et de Maxime Beauregard pour de superbes exemples)? Qu’est-ce que les partisans de l’accessibilité peuvent faire pour inciter leur organisme à entreprendre la prochaine étape de son cheminement? Quelle est cette étape? Les publics emboîteront-ils le pas? Les « frontières » diffèrent selon l’organisme artistique. Aucune frontière n’est la même, car chaque compagnie est différente, chaque cheminement est différent, et le résultat sera différent. Fonctionnalité/esthétique

Selon moi, le processus a mis en lumière trois grandes choses : la nécessité d’offrir des expériences artistiques plus accessibles, que ce soit en tant que membre du public ou membre de l’équipe créative travaillant sur une œuvre ou l’interprétant; la nécessité d’éduquer les bailleurs de fonds et les publics actuels; et l’importance des partisans au sein des organismes artistiques qui défendent l’accessibilité et souhaitent que tous et toutes puissent profiter d’une magnifique expérience artistique. Je crois que le cadre qu’Aaron a créé peut s’appliquer dans n’importe quelle compagnie pourvu qu’elle l’accompagne des trois conversations. C’est un cadre qui est d’ailleurs adaptable selon les besoins et le travail, et je pense qu’il aidera les gens à évaluer leur progression dans leur cheminement vers l’accessibilité et à avancer jusqu’à trouver leur frontière.

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Hand-drawn title card with the words “Aaron Richmond” in the middle, surrounded by two brown-skinned ballet dancers in blue leotards posing in two different dance positions and holding a pink leaf in each hand.
Image : Harmeet Rehal

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